70 ans des Francas 72
70 ans d’éduc’pop avec les Francas de la Sarthe, ça se fête ! En 2024, les Francas de la Sarthe…
Plus de 80 animateurs, coordinateurs ou encore directeurs, directrices de centres de loisirs, d’espaces jeunes, tous professionnels de l’animation socioéducatives, se sont retrouvés lors d’une rencontre du réseau animation jeunesse au centre socioculturel François Rabelais à Changé. L’invité de la journée est Olivier Duris, psychologue clinicien, est membre de l’association « 3-6-9-12, apprivoiser les écrans et grandir », qui a été créée par Serge Tisseron. Après avoir quitté sa clinique tard dans la nuit, il n’a pas hésité à prendre sa voiture en ce jour de grève nationale et venir à la rencontre des animateurs pour une conférence qui a captivé son auditoire. Extraits choisis de ses propos.
Les écrans, ce n’est pas tout ou tout blanc. Les écrans sont avant tout un formidable support pour l’échange et la création. Cependant ils sont à consommer avec modération. Pour Olivier Duris, un parallèle peut être effectué avec la diététique et être dans une approche de consommation raisonnée.
Nous ne pouvons pas qualifier la fracture numérique comme une fracture générationnelle avec des vieux qui ne comprendraient pas les technologies, et des jeunes qui les utilisent très bien. Non, nous sommes plutôt dans une fracture d’usage où il faut disposer d’un mode d’emploi pour éviter les pièges et les dangers.
Nous pouvons catégoriser les écrans selon cette typologie :
Avant 3 ans, les écrans non interactifs ont un impact négatif lorsqu’il y a une surexposition par un usage quotidien intense. Des effets négatifs peuvent alors apparaître lors du développement du langage, des capacités cognitives ou sur la concentration. Pourquoi ? Les écrans non interactifs envoient constamment des signaux qui sur-stimulent le jeune enfant qui lui a besoin de temps pour digérer l’information qu’il reçoit. Quand nous sommes en présence d’un bébé, l’adulte interagit avec lui en s’adaptant à son niveau émotionnel ; alors que la présence d’un écran non interactif coupe la relation. L’empathie développée par l’adulte ne pourra pas s’exprimer. Donc le problème ne vient pas de l’écran, mais de l’adulte qui coupe la relation en mettant le bébé en présence d’un écran non interactif.
A partir de 3 ans l’enfant commence à mettre du sens sur les images qu’il voit. L’enfant va comprendre que ce qu’il voit dans l’écran n’est pas ce qui se passe dans la réalité. Un enfant à cet âge est capable de le distinguer, mais il doit être accompagné. Les écrans vont aider les enfants dans un rapport au monde et faciliter ses apprentissages. Des dessins animés d’une dizaine de minutes par exemple peuvent lui permettre de travailler sur des petites angoisses de la vie de tous les jours. Il s’agit ici de peurs structurantes. A cet âge il faut travailler sur l’intelligence narrative qui nous permet de créer une personnalité.
Quand il n’est pas possible de mettre de sens sur les images, le risque est de tomber sur des images traumatisantes qui ont le pouvoir de créer des émotions. Ces images vont alors revenir en boucle et entraîner des cauchemars, des angoisses diurnes ; pouvant aller jusqu’à un traumatisme quand l’enfant est face à une situation qui le sidère et l’événement revient sans cesse. Il s’agit d’une peur déstructurante.
Les images peu ou pas adaptées sont désormais plus facilement accessibles, c’est pourquoi les balises 3-6-9-12 mises en place par l’association de Serge Tisseron apporte des conseils pour accompagner l’enfant, l’adolescent vers son usage des écrans. Chez l’enfant, il faut lui permettre de développer du sens petit à petit. Quant à l’adolescent, il faut pouvoir en parler avec lui. Hors les jeunes ne parlent pas des images traumatisantes, tout comme les adultes n’en parlent pas beaucoup non plus car les émotions ne s’expriment plus si fréquemment que chez les enfants. Mais les adolescents comme les enfants ont besoin de trouver des espaces pour en parler.
Le fait que les jeunes se montrent des contenus dérangeants, voir angoissants, s’explique avant tout par un besoin de se rassurer auprès des autres (ex : images pornographiques), de se prouver que l’on n’est pas seul à trouver cela anxiogène. Ils ont aussi besoin de savoir distinguer le vrai du faux. Et c’est à 9 ans que cette notion de point de vue se développe ; c’est que l’on appelle l’empathie réciproque.
A partir de 6 ans, les jeux vidéo vont avoir un impact intéressant sur son développement, notamment sur les capacités de concentration ou des capacités d’innovation avec des jeux comme les SIMS ou Minecraft. Et le jeu vidéo ne se joue jamais seul, les copains en parlent entre eux à l’école. L’adolescent choisit toujours un jeu qui se partage avec d’autres. Mais des dangers peuvent apparaître avec par exemple GTA qui est classé avec un PEGI 18, notamment en raison de la présence de scènes sexualisées.
Les jeux vidéo ne vont pas avoir un impact sur la violence externe des jeunes, mais sur la violence interne par une surexcitation constaté chez l’ado. Après avoir joué à un jeu vidéo, il faut un temps de repos. Contrairement à une idée reçue, un jeu de guerre comme Battle Field, peut être moins stressant que les SIMS ; ce simulateur de vie comprenant une tendance à stimuler fortement le joueur par toutes les activités de la vie quotidienne. Il est donc important de proposer aux jeunes de comprendre l’intérêt des classifications, tout en accordant une importance à ce que le jeu peut lui apporter.
Avant l’étape des réseaux sociaux, il y a chez les enfants la découverte des jeux en réseau vers l’âge de 9 ans. Près de 80% des jeunes jouent aux jeux vidéo pour être avec les copains : c’est une pratique socialisante. L’amitié se crée quand on discute de ses points communs, quand petit à petit, on se voit en dehors du temps scolaire. Avec les réseaux sociaux, se joue le partage de centre d’intérêts communs. Comme pour l’amitié de proximité, cet amitié-ci va se construire progressivement.
L’adolescence s’exprime par la sortie de l’enfance et l’arrivée progressive dans l’âge adulte. Le propre de l’adolescent est de s’autonomiser pour s’émanciper des parents. C’est un moment difficile souvent. Et les écrans vont faire parler des angoisses et des crises des ados. Les expériences se faisant moins à l’extérieur, car il est observé que les adolescents ont un périmètre de mobilité de plus en plus restreint, les écrans prennent le relais et permettent aux adolescents d’expérimenter, là où il y a quelques décennies l’aventure se faisait plutôt à l’extérieur de chez soi. Les écrans sont un moyen de garder le lien avec ses amis pour s’écarter progressivement des parents. L’usage des réseaux sociaux, des jeux se fait dans une quête de social pour partager avec d’autres.